
Le silence au cœur de l’islam (Ibrahim Quraishi)
Les intellectuels pakistanais devraient défendre les libertés contre les attaques intégristes.
Depuis les récents affrontements mortels à la Mosquée rouge d'Islamabad au Pakistan, nous assistons aux conséquences épouvantables d'une fin de partie politique causée par le refus de remettre en cause la charia (loi canonique). Etant donné le sort terrible de ceux qui sont à l'intérieur de Dar al-Islam (la maison de l'islam), on ne peut être qu'incrédule face a mutisme de l'intelligentsia musulmane. Passive face aux fondamentalistes passive vis-à -vis de la droite religieuse, muette concernant la liberté civile ou individuelle des femmes, indifférente aux minorités et aux organisation qui aspirent à un espace de parole. Essentiellement composée de scientifiques, d'écrivains, d'enseignants, d'artistes, de cadres d'entrepris et de représentants de la tentaculaire administration d'Etat, l'intelligentsi ne se contente pas de déclarer forfait face aux jihadistes, mais s'enferm dans un silence ahurissant. Il est triste de constater qu'à l'intérieur même de leur pays, ceux qui tentent de s'écarter du chemin tracé ne sont guère soutenus
C'est le cas de Mukhtaran Bibi, cette Pakistanaise héroïque qui, après avoir subi un viol collectif sur ordre du conseil islamique des anciens de son village, a su surmonter sa douleur. Elle s'est lancée dans un combat singulier contre la société pakistanaise pour améliorer la situation des femmes, sans susciter de grand élan de solidarité de l'intérieur. Autre exemple, celui de Chirine Ebadi, l'avocate iranienne lauréate du prix Nobel de la paix, qui défend sans relâche les droits de l'homme au sein de la République islamique. Passant outre les attaques incessantes des autorités nationales et des religieux conservateurs, ou l'interdiction de contacter librement ses clients que lui ont opposée les juristes islamistes, elle lutte aux côtés de ceux qui sont perçus comme un affront à l'islam et qui réclament la liberté d'expression en Iran.
Tous ceux qui refusent de capituler, toutes ces femmes et ces hommes Âcourageux, vivent sous une menace constante pour avoir osé élever la voix contre les lois, édits et fatwas impitoyables et contre la charia, au visage changeant, qui emprisonne tant de musulmans au nom de la religion. Il ne s'agit pas seulement de laïcité, les opinions contraires sont indispensables à l'évolution intellectuelle, spirituelle, et même morale, de l'islam.
Je l'ai vu de mes propres yeux, l'intimidation religieuse ne saurait constituer la voie vers un dialogue honnête entre les différentes communautés. Nous ne pouvons pas laisser nos chefs religieux menacer la population de châtiments corporels pour des actes aussi inoffensifs que se tenir par la main en public pour un couple, voire de sortir dans la rue lorsque l'on est une femme. Nous ne pouvons pas accepter qu'au Pakistan, en Iran ou en Egypte, par exemple, la «police de la moralité» appelle à l'envi à la destruction et à la fermeture forcée des églises, synagogues, temples et mosquées sous prétexte de divergences idéologiques, réelles ou perçues. En visant des civils au hasard, pour les entorses les plus anodines à la théologie, ou en demandant la tête d'un écrivain pour ses écrits, les fondamentalistes vont au-delà des limites.
Musulmans ou non, nous sommes au coeur d'une croisade mortelle qui oppose les défenseurs de la liberté de penser et ceux qui souhaitent détruire les multiples strates de la complexité et de l'intelligence humaines au nom du dogme religieux. La résistance aux soldats du puritanisme religieux doit être large, immédiate et trouver ses racines dans la majorité silencieuse du monde islamique. Il ne faut pas l'abandonner aux ex-musulmans et aux commentateurs étrangers. Nous ne pouvons pas laisser les fondamentalistes détourner l'islam et nous détruire. L'islam se suffit à lui-même pour ceux qui entendent l'appréhender intelligemment. Il n'a nul besoin de zélotes appelant inlassablement à la terreur contre le Dar al-Kufr (le territoire de l'impiété) à la moindre occasion. Il suffit de se promener dans les bazars du Caire, d'Amman, de Lahore, de Ramallah, de Fez ou d'innombrables autres villes musulmanes pour tomber sur des cassettes de jihadistes exhortant aux représailles au nom de Dieu contre les mécréants avec des méthodes d'incitation collective au Dar al-Harb (un état de guerre perpétuel).
Je parle d'expérience, puisque dans chacune de ces villes, j'ai rencontré ces individus armés de matériel de propagande idéologique. Par deux fois, j'ai été encerclé, détenu, interrogé et menacé par des fondamentalistes locaux censés représenter le Jamaat-e-Islami à Lahore, au Pakistan, et par la milice locale des Frères musulmans au Caire, en Egypte, qui me trouvaient une allure suspecte, car trop «occidentale» pour un croyant.
Contrairement aux chefs religieux locaux, avec leur mentalité de gangster, les musulmans ne vivent pas dans des territoires sans Etat, délimités par des frontières religieuses. Ce sont des citoyens de différents pays, où les notions de Dar al-Kufr et de Dar al-Islam sont totalement inintelligibles. Ils vivent dans un monde moderne caractérisé par la souveraineté de l'Etat, que les islamistes eux-mêmes exploitent pour asseoir leur position juridique dans les pays dans lesquels ils résident.
Il est temps que les institutions religieuses, intellectuelles et politiques du monde musulman se lancent dans une réévaluation honnête et critique de l'islam. Il faut replacer le Coran dans son contexte, à l'abri de toute censure religieuse, pression sociale ou menace physique. A l'heure où la technologie fait des avancées phénoménales, les idéologues musulmans doivent embrasser le présent et cesser de vivre dans les chimères de leur gloire passée, à croire que seules les forces extérieures des kafir (apostats ingrats ou infidèles) sont la cause de toutes les injustices frappant le monde musulman. Quelle que soit la manière dont il souhaite se définir, il doit s'attacher à la pluralité de la pensée et sortir rapidement de l'idéologie de la peur. Dans toutes les sociétés musulmanes, la gouvernance doit entrer dans la sphère du respect mutuel, de la défense des opinions minoritaires pour encourager la pensée critique, la créativité et la confiance en l'individu. Elle doit instaurer une valeur de citoyenneté universelle, associant même ceux qui entendent nier, rejeter ou remettre en question la primauté de l'islam en tant que mouvement idéologique ou spirituel. On ne doit plus entendre parler de harcèlement à l'encontre de ceux qui veulent parcourir leur propre chemin spirituel.
(Traduit de l'anglais par Architexte)
Par Ibrahim Quraishi, artiste travaillant en France et au Pakistan
Libération : jeudi 6 septembre 2007
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samedi 8 septembre 2007
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Ibrahim Quraishi