Le directeur d'un foyer pour femmes enceintes est jugé aux assises

Dans le bocage villiériste s'ouvre aujourd'hui, aux assises de La Roche-sur-Yon, le procès de l'ex-directeur de la Maison d'Ariane. Neuf ancienne résidentes ou salariées de ce foyer pour femmes enceintes, géré par un association d'opposants à l'avortement et financé par le conseil général d Vendée, accusent Jean-Pierre Baudry de viols, d'agressions sexuelles et d harcèlements. Des accusations qui, en 2005, ont conduit à la fermeture d l'établissement et à la dissolution de son association gestionnaire l'Association vendéenne pour l'accueil de la vie et la promotion de la famille (AVAVPF)

Notable. A la demande de deux accusatrices, le procès pourrait se tenir en partie à huis clos. Cependant, il devrait être l'occasion de comprendre comment fonctionnait ce foyer censé venir en aide à des jeunes femmes en détresse, comment il était contrôlé, et comment avait été recruté son patron. Personnage peu banal, cet homme de 63 ans avait, en effet, un casier judiciaire théoriquement incompatible avec ce genre de fonction. En 1993, la cour d'appel d'Amiens l'avait condamné à cinq ans de prison ferme pour avoir détourné 4,5 millions de francs alors qu'il dirigeait une maison de l'enfance dans l'Oise, à Coye-la-Forêt. Dans les années 80, l'accusé était un notable de cette région : candidat défait de la droite (RPR-UDF) aux législatives de 1988 à Creil, et vice-président du conseil économique et social de Picardie.

Après son accident de parcours, Jean-Pierre Baudry refait surface en Vendée et prend la direction de la Maison d'Ariane en juillet 2002. A cette époque, le foyer promu par Philippe de Villiers, le président du conseil général, vient de traverser une période mouvementée. Quasiment depuis l'ouverture, en 1996, des témoignages dénoncent l'ambiance militaire qui règne dans un établissement où on «met à pied» (c'est-à-dire dehors) les pensionnaires qui ne filent pas droit. A partir de 2000, des signalements arrivent sur le bureau du procureur de la République. La Pastorale des migrants (mission du diocèse) et l'association Accueil urgences femmes en difficultés (AUFD) décrivent des «humiliations», des «pressions et chantages», des carences dans la prise en charge médicale... Mais faute «d'infraction suffisamment caractérisée», le dossier est classé.

En 2001, une enquête de la Ddass conclut à «une absence notoire de professionnalisme à tous les niveaux engendrant des réponses inadaptées pouvant conduire à une atteinte à la dignité des femmes accueillies et à leur bien-être moral». Les enquêteurs estiment qu'il faudrait envisager la fermeture, si «aucun élément nouveau n'intervenait». En janvier 2002 , l'AVAVPF engage alors un directeur diplômé (le premier), Jean-Paul Lebrun, en guise d' «élément nouveau». Mais la recrue s'avise de décrocher les crucifix au motif qu'il s'agit d'une institution publique, et d'informer une gamine de 17 ans déjà mère et encore enceinte de l'existence de la loi Veil. Viré au bout de six mois, à la fin de la période d'essai. C'est Jean-Paul Baudry, qui travaille alors au service de l'enfance du conseil général, qui prend la relève. Les premières plaintes sont déposées en janvier 2005. Des salariées pour la plupart des femmes seules avec enfants et des résidentes accusent le directeur de les avoir harcelées, agressées, violées. Il nie, reconnaissant toutefois des «propos déplacés» et du harcèlement moral à l'égard d'une employée.

Manifestation. Mis en examen le 3 février 2005, Jean-Pierre Baudry est d'abord laissé en liberté, puis écroué le 11 février. Quelques jours plus tard, la préfecture de la Vendée et la Ddass lancent une enquête administrative. Le rapport conclut qu'il n'existe aucun dysfonctionnement, que le foyer respecte les réglementations et que les contrôles y sont réguliers. Le conseil général et l'AVAVPF se portent parties civiles au procès. Mais la polémique enfle sur leur rôle. En mars 2005, quelque 200 personnes défilent à La Roche-sur-Yon, brandissent des banderoles «L'IVG a 30 ans, de Villiers a 1 000 ans», et demandent la fermeture du foyer. Les manifestants sont soutenus par le président socialiste de la région Pays-de-la-Loire, Jacques Auxiette, et l'opposition locale. Ancien maire de La Roche-sur-Yon, Jacques Auxiette dénonce alors «un système politique qui constitue une véritable chape de plomb sur l'ensemble des institutions en Vendée». La Maison d'Ariane ferme en juillet et l'AVAVPF est dissoute en août 2005. La cour d'assises rendra son verdict vendredi.

Jacqueline COIGNARD http://www.liberation.fr/actualite/societe/237591.FR.php